« Ce sont toujours les âmes qu’on retrouve entre les quatre murs d’une classe. »

Michel de SAINT-PIERRE (1916-1987)
Écrivain, journaliste

« Voyez-vous, nous nous acheminons vers un monde sans culture. La partie n’est pas encore jouée ; mais le péril est grand. Il faut, hélas ! nous en convaincre. À l’enseignement des sciences et des techniques, on sacrifie progressivement le reste. Et rien n’est fait pour exalter l’humanisme, l’épanouissement harmonieux de la connaissance. Je dis bien : de la connaissance ; et non pas des connaissances. Car il existe une sorte d’attitude gratuite, un désintéressement de l’esprit, qui lui permettent d’apprendre à connaître – au lieu d’apprendre simplement des choses (si utiles soient-elles). Cette disposition mentale est nécessaire aux enfants et aux très jeunes gens. Elle correspond, dans l’ordre intellectuel, à la disponibilité d’une âme dans l’ordre surnaturel, avant sa montée vers Dieu…
Et savez-vous comment on apprend à connaître ? En apprenant à dire. Aussi bien, ne fera-t-on jamais une culture avec les mathématiques ou l’économie pour terroir : cela est contre la nature de l’homme. Et pas davantage, avec n’importe quelle autre science. Une culture humaine se fait avec le « langage maternel » qui est notre humus profond – dans l’intimité de ses grands jardiniers littéraires ; dans le respect aussi des civilisations qui ont préparé la nôtre : les Grecs et les Latins.
Mais qui donc, aujourd’hui, se soucie de le clamer sous nos toits ? Et d’exiger le retour aux sources qu’on nommait si magnifiquement « les Humanités » ? Notre société moderne, d’ailleurs, ne veut plus connaître, mais faire. C’est pourquoi elle se défait… »

Michel de SAINT PIERRE (1916-1987)
Écrivain, journaliste