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Culture et tradition

« Marchez comme des enfants de lumière »
(Épître aux Éphésiens, V, 8)

Parents, maîtres et éducateurs, nous avons pour mission de mener les âmes des enfants vers la Lumière qui sera le chemin de leur vie et leur bonheur. Chaque semaine, nous vous proposons de découvrir quelques paroles de guides et de témoins pour éclairer notre propre route à l'aune de cette parole de saint Thomas d'Aquin : “Ne regarde pas à celui qui parle, mais tout ce que tu entends de bon, confie-le à ta mémoire.” (Seize conseils pour acquérir le trésor de la science). Bonne lecture !

« Nains, nous pouvons nous jucher sur les épaules des géants : tel est notre privilège de lecteurs. »

Tzevtan TODOROV (1802-1874)
Critique littéraire

« Je suis né aussi loin de toute littérature qu’il est possible. Il n’y avait pas un livre dans la maison où j’ai grandi, à peine quelquefois un journal. Mon père aimait parler mais n’aimait pas lire. Il se faisait dire les nouvelles par ses camarades. Ma mère, toujours à sa « machine » ou à son fourneau, n’avait pas de temps à perdre, et personne autour de nous, ni de nos parents, ni de nos voisins, n’eût pu seulement concevoir ce que pouvait être un livre. Je n’ai, avant mes quatorze ans, jamais lu que par utilité pour apprendre mon catéchisme ou mes leçons. Je mourrai sans connaître Mme de Ségur. J’étais devenu un homme quand j’entendis parler des Trois Mousquetaires et de tous ces romans d’Alexandre Dumas qui ont été pour tant de gens comme une première réserve de songes. Ce n’était plus le temps de les lire, je ne le trouverai jamais, et j’ai senti souvent quelle perte cela a été dans ma vie de n’avoir que si tard lu gratuitement et seulement pour le rêve et la délectation. Quand j’eus quatorze ans et que la bibliothèque de la ville me fut ouverte, j’y entrai comme dans un temple, le premier dimanche qui suivit mon anniversaire, et dès lors je n’ai plus cessé d’aimer passionnément les livres. Mais le vieil homme bigot qui en avait la garde les surveillait comme autant de démons qui eussent pu ensorceler sa ville, et il ne me permit que Mayne Reid, Fenimore Cooper ou Jules Verne. Je les dévorais, mais pendant des années encore, je ne lus guère que par besoin, sans personne qui me guide, des livres seulement utiles, et sans doute ce travail de solitaire et d’autodidacte vous donne-t-il la joie de la découverte et de la conquête, mais on n’y gagne pas tout, et même devenu professeur et distributeur aux autres du savoir, je sais que quelque chose m’aura manqué toujours, tout ce que rapportent l’habitude de la culture et la tradition, tout cela qu’on apprend on ne sait comment par une sorte de contagion, par des conversations, par des camarades, enfin, cette grâce et cette gentillesse dans l’esprit qui ne s’acquièrent peut-être qu’en ne lisant que pour son plaisir. »

Jean GUEHENNO (1890-1978)
Écrivain et critique littéraire


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