Ce désert m’est profondément doux… Se mettre dans la solitude en face des choses éternelles ; on se sent envahi par la vérité.

Charles de Foucauld (1858-1916)
Officier, ermite

« Regardons-le. Le Père a pris l’aspect qu’il gardera jusque dans ses dernières années, seulement un peu plus marqué par les fatigues, les privations, les climats excessifs. À quarante-trois ans, son visage mince, couvert d’une barbe rare et négligée, n’a pas d’âge. Il est trop petit, trop maigre et se tient trop mal pour que sa gandourah, même si par hasard elle n’était déchirée et maculée, lui donne cette allure impressionnante ou majestueuse qu’elle prête aux hommes soucieux de paraître. Le Père a lui-même cousu, à gauche, un cœur en drap rouge de troupe, sommé d’une croix. Il porte à la ceinture un chapelet à gros grains au bout duquel pend un Christ en ébène. Sur la tête, une drôle de coiffure, qui fait penser à une casserole sans queue ; c’est tout simplement un képi sans visière, très économique, et suffisant si l’on y ajoute un mouchoir en couvre-nuque. Oui, un bien pauvre homme. Mais il émane de tous ses gestes et de toutes ses paroles, même si l’on n’en comprend pas le sens, si l’on n’est sensible qu’au ton de la voix, tant d’amour et de respect pour les autres (tous les autres), il brille une flamme de si douce bonté dans ses yeux noirs, vifs et lumineux, que les vingt mokhaznis de Susbielle, en l’apercevant, ne se contentent pas de le saluer. Ils mettent pied à terre, viennent s’incliner devant lui, la main sur le cœur, et sollicitent sa baraka. Alors, mon Dieu ! il la leur donne. Ainsi fut accueilli le Père de Foucauld, noble et courtois seigneur devenu modeste et humble homme de Dieu, par les soldats du pays qui allait être définitivement le sien. »

Pierre Nord (1900-1985)
Officier, romancier