Anne-Marie changeait le cœur des gens. C’était vrai, aux Escures tout sentait les grandes mœurs. Il était des choses qu’on n’aurait pu ni faire ni penser devant elle.

Henri Pourrat (1887–1959)
Auteur de Gaspard des montagnes

« Si elle tenait de son père une certaine roideur de caractère, de sa mère Anne-Marie avait la soumission qui fait accepter et même aimer ce qui ne saurait être autrement. – Ma pauvre petite, tu vois que je vous laisse… Tu es l’aînée, ce sera toi la femme de maison. Tu feras dire les soirs la prière aux domestiques, tu veilleras au linge, aux habits, aux provisions, comme je te le montrais, et à la bonne conduite de tout. Il te faudra ne plus penser à toi, mon Anne-Marie, mais à ton père et à ta sœur. Je te les laisse, c’est toi qui me remplaces, je m’en vais tranquille… Anne-Marie veillait à tout : comme à faire presser les noix pour avoir de l’huile, à donner la laine et le chanvre à filer, et même à préparer les remèdes, le millepertuis pour les maux d’yeux et les pétales de lis pour les brûlures. Dans un domaine de campagne on ne devait que vendre, jamais rien acheter sauf du fer et du sel. La petite, autant qu’elle le pouvait, s’attachait en ce ménage à faire comme faisait la mère. »

Henri Pourrat (1887–1959)
Auteur de Gaspard des montagnes